Effectuer l’ensemble du GR20 en cinq jours constitue un beau défi. J’y ai retrouvé certaines sensations que seul le trail me fait habituellement vivre. La différence majeur est la continuité de l’effort sur plusieurs jours, avec toutefois des temps de repos qu’il faut savoir exploiter au maximum.
Ainsi, au bout de trois jours, j’en avais fini avec la partie Nord du GR. Je me retrouvais à Vizzavone, l’unique village sur le parcours. Cela permet de recharger un peu les batteries avant de repartir pour les deux derniers jours du périple. En effet, on peut ici profiter d’un peu de confort : une douche chaude, un peu de lessive et quelques ravitaillements dans la micro épicerie. C’est aussi l’occasion de manger au restaurant, dans un endroit un peu plus peuplé que les refuges. Un menu du randonneur, bien copieux, avec de la bonne charcuterie corse et une bière du pays permet de se remettre en forme. Cette soirée est aussi l’occasion de communiquer avec ses proches avant d’attaquer la seconde partie. Le réseau téléphonique est quasi-inexistant sur l’ensemble du parcours.
La partie Sud du GR20
4e jour : Vizzavone-Usciolu
Cette quatrième journée est longue mais, à partir de là, le GR20 est constitué de véritables sentiers. Cela permet de se déplacer plus vite, voir même de courir quand l’état de forme est suffisamment bon. Pour cette grande étape, je suis parti une fois de plus de nuit à la lampe frontale. Elle débute par une petite ascension, où, pour la première fois depuis le départ, j’entendis des gens me rattraper. Ils arrivèrent finalement au sommet en même temps que moi et je compris que ce groupe était en mode entraînement trail. Ce n’était donc pas des randonneurs du GR. Mon honneur est sauf ! 🙂 La descente qui suit est un sentier facile permettant d’allonger la foulée. J’atteignais alors le premier refuge de la journée, Capannelle, très rapidement. La suite, jusqu’au col de Verde, ressemble à cette première partie de journée. Je conseille dans un restaurant se trouvant juste avant le col, pour retrouver des forces avant de commencer une belle montée qui permet d’atteindre le refuge de Prati. Des beaux lacets sur la fin permettent d’atteindre une jolie crête avec une vue magnifique. On atteint alors le refuge. La localisation du refuge est idéale. La vue est dégagée avec la mer et une grande partie de la côte en arrière plan. La suite de l’étape pour atteindre le dernier refuge est très sympa mais mes forces commençaient vraiment à diminuer. Le chemin longe en bonne partie des crêtes avec des vues spectaculaires à droite comme à gauche.
En fin de journée, j’ai fait la seule erreur d’orientation de mes cinq jours. Elle ne fût pas grave car je m’en suis rendu compte rapidement, mais elle m’a coûté 500m de dénivelé en plus et surtout une heure de retard à l’arrivée ce qui me fît manquer le diner. Au niveau de la Punta Bianca, le chemin continue proche de la ligne de crête mais n’est pas dessiné clairement et l’espacement entre deux marquages est assez important. Au bout de quelques temps, ne voyant plus le balisage, j’ai regardé autour de moi et aperçu un chemin en contrebas. J’ai alors décidé de descendre au plus court pour le rejoindre. Mais je me suis alors rendu compte assez rapidement en sortant la carte et surtout la boussole que je venais de rejoindre un chemin qui emmenait à une bergerie. Le GR ne descendait pas du tout à ce niveau. Il m’a fallu rebrousser chemin et remonter toute la pente que je venais de dévaler. Une fois le GR retrouvé, j’ai rapidement fini l’étape et rejoint le refuge de l’Usciolu. Ayant loupé l’heure du repas, j’ai dû me cuisiner moi-même une boîte de raviolis, mais ce fût finalement l’occasion d’échanger avec tout un tas de randonneur, curieux de voir quelqu’un si peu équipé arriver si tard. Pour la première fois, je commençais à raconter mon aventure.
Cette journée, bien que moins montagnarde, fût très belle. Par contre la distance parcourue est importante, et pour ne pas arriver à la nuit tombée, surtout si l’on fait quelques erreurs de navigation, il faut sans cesse relancer voir courir. Ce n’est pas forcément facile avec quatre jours dans les jambes, mais il faut se dire que, le lendemain soir, c’est la fin de l’aventure.
5e journée : Usciolu-Conca
La dernière journée est la plus longue en termes de kilométrage. Cependant, la fin d’étape étant quasiment au niveau de la mer, il y a sensiblement plus de dénivelé négatif que positif. Deux choix sont à faire sur le parcours. Le premier permet de passer par une variante qui se trouve être l’ancien parcours du GR20 et qui évite le refuge de A Matalza. Il passe par une crête assez exposée. Je choisis cette solution qui permet d’éviter quelques kilomètres tout en étant a priori très jolie. Le second choix est de passer ou non par la variante alpine des aiguilles de Bavella. Cette variante est plus courte en termes de kilométrage mais rajoute du dénivelé et surtout de la technicité au chemin. Les descriptions qui en sont faites me tentent beaucoup, mais je décidais de finaliser mon choix quand j’attendrai la bifurcation.
La nuit dans le refuge de l’Usciolu, à l’aube de la dernière journée, fût très agitée. Le vent, la pluie, et surtout le tonnerre étaient au rendez-vous. Le réveil fût donc compliqué. Cette dernière journée étant quand même très longue, j’avais prévu de partir avant l’aube. Je profitais alors d’une courte éclaircie pour m’élancer sur le sentier, avec trois compagnons. Mais ce fût de courte durée. Moins de vingt minutes après le départ, la foudre se mit à tomber. 1, 2, 3, 4, 5, 6 bang ! Moins de 10s entre le flash et le bruit assourdissant du tonnerre. L’orage était proche, trop proche. La décision fût vite prise, nous fîmes demi-tour et détalions pour nous abriter au refuge. Là, commençait une longue attente et une grande discussion avec le gardien de refuge. Plus l’attente serait longue et plus il serait difficile de finir l’étape. Une solution échappatoire existe : en 3-4 heures de marche, on peut rejoindre un petite village et de là, faire du stop pour rejoindre Porto-Vecchio avant de prendre mon avion le lendemain. Mais cela signifie ne pas finir le GR20, tronquer mon aventure. Dur choix à faire. Sinon, le gardien m’explique que sur le chemin, deux portions sont exposées. La première est une crête qui démarre là où nous avons fait demi-tour. Une fois engagée dessus, il n’y a pas d’autre choix que d’aller jusqu’au bout. La seconde est la crête de l’Includine sur la première variante du GR. Ayant pris du retard en début de journée, je serais obligé de passer par là. Cependant, en cas d’orage, il est possible de bifurquer sur des chemins qui descendent vers des bergeries pour trouver refuge. Après quelques temps au refuge à attendre que cesse l’orage et un long échange avec le gardien pour prendre conseil auprès de lui, je décidais de partir. Il me dit qu’il le déconseillerait à la plupart des gars présents mais qu’avec mon allure, c’était jouable et que je pouvais en avoir fini avec la première partie à risque en 45 minutes environ.
Sans trop réfléchir, je me suis donc relancé sur le chemin, presque deux heures après ma première tentative, profitant d’une petite accalmie. J’abandonnais tous mes compagnons au refuge et pressais le pas immédiatement. La première crête est effectivement très exposée. La vue doit être sublime en cas de beaux temps, mais là je restais très concentré sur mes pas, pour ne pas glisser sur les roches mouillées par la pluie qui ne s’arrêtait pas. Malheureusement au bout de vingt minutes, quand faire marche arrière n’était plus envisageable, l’orage se remit à gronder. D’abord loin, puis se rapprochant un peu dangereusement. Je ne faisais alors vraiment pas le fier. Mais n’ayant pas le choix, je continuais à progresser le plus rapidement possible, en faisant toujours attention pour éviter la mauvaise chute. À chaque coup de tonnerre, je comptais le temps qui passait entre le son de la foudre et le flash lumineux. Les minutes passèrent et j’en finis enfin avec cet endroit fort exposé. La plaine m’offrait un petit temps de répit, avec le soleil qui pointait presque le bout de son nez. Le gardien avait raison, j’ai bouclé cette partie en environ trois quarts d’heure, qui ont été assez éprouvants pour les nerfs, même si finalement l’orage ne s’est pas trop rapproché.
J’attaquais quelques temps après la montée vers la seconde crête de la journée. L’orage était maintenant complétement terminé, mais la pluie redoublait d’intensité. Une fois arrivé sur la crête, il n’y avait clairement plus de danger. En revanche un vent fou soufflait. Détrempé, il fallait que je continue d’avancer. Cette partie a été une des plus désagréables de mon périple. Le vent était tel que ma capuche ne restait pas sur ma tête et qu’il était impossible de tenir mes bâtons verticalement. Une bonne heure dans ces conditions, à hurler de rage contre les éléments qui s’acharnaient contre moi. Mais il fallait progresser. L’atteinte du col où se situe l’intersection avec la branche principale du GR fût une délivrance. La descente permettait de se protéger du vent. Elle ne fût toutefois pas simple car très glissante et parsemée d’immenses roches plates sans prises. Je rencontrais enfin les premiers randonneurs de la journée, ayant dormi au refuge de A Matalza. La halte au refuge d’Asinau fût courte car ce dernier avait brûlé quelques mois plus tôt. Une simple tente en toile permet maintenant de s’abriter. Toujours sous une pluie battante, je continuais vers Bavella. À l’intersection de la variante alpine je choisissais cette option. Malheureusement ce n’était pas pour la raison que j’espérais initialement : profiter d’une magnifique vue sur les aiguilles caractéristiques de la zone. Cela permettait de raccourcir le parcours. Mais le chemin n’est pas facile. Très raide au début, il nécessite d’être agile sur les rochers ensuite et même de s’aider de chaînes. J’étais complétement dans les nuages, isolés et n’est donc rien vu de la région. L’arrivée au col de Bavella avec son petit hameau fût une délivrance. Je sentais que j’étais sur la bonne voie pour finir cette journée terrible. La fin du GR, qui passe par le dernier refuge, Paliri, ne révèle aucune difficulté. Cette partie semble cependant interminable, surtout après une très dure journée. J’ai atteint Conca à la tombée de la nuit, avec une immense joie d’avoir fini le GR20. La première bière fût bien méritée après ces péripéties.
Cette dernière journée fût éprouvante. Je n’ai malheureusement pu profiter d’aucun moment. Et pourtant je pense que les passages de l’arête de Scadatta, du col de l’Includine et des aiguilles de Bavella doivent être exceptionnels par beau temps. Ça restera néanmoins un moment fort des ces cinq jours tant il a fallu compter sur ma persévérance et mon mental pour continuer à avancer dans ces conditions dantesques. Les discussions avec le gardien du refuge de l’Usciolu furent intéressantes et m’ont permis de partir en étant relativement sûr que le danger était limité. Cela ne m’a pas empêché d’avoir une bonne appréhension quand j’ai commencé à entendre l’orage au loin alors que j’étais sur la première crête. Je sais qu’être pris dans un orage sur un endroit exposé du GR20 est le plus grand danger qu’il peut arriver.
Ces cinq jours sur le GR20 furent une expérience fantastique. Ce chemin est magnifique. La difficulté et le dénivelé en font un beau défi pour les randonneurs mais aussi pour les trailers qui peuvent le réaliser en un nombre limité de jours. Si je devais lister rapidement quelques lieux marquant, je mentionnerais les lacs de Melo et Capitello, le lac de Nino, les cascades des anglais, le Bocca d’Oru, et sûrement les aiguilles de Bavella… Je vous conseille à tous de tenter cette aventure, en consacrant un peu de temps à la préparation !
6 Commentaires
Je veux faire le GR en 5 jours début Juin. Comment est-ce que vous avez faites la navigation ? Carte où Gps ?
Je me suis guidé avec des cartes IGN, imprimées sur Geoportail. Et puis il faut suivre les traces blanche et rouge. Dès qu’on n’en voit plus depuis 5 min, il faut rebrousser chemin. Cela arrive, mais on ne se perd jamais complètement. Je n’avais pas de GPS. En tout cas super aventure, je suis sûr que tu vas adorer !
Ca donne envie de le faire aussi en 5 jours ! Merci pour récit et toutes les informations. Je l’ai pour ma part fait en 8 jours 😀
8 jours est aussi un très bon choix je pense, permettant de prendre un peu plus de temps sur ce magnifique itinéraire !
Remarquable Olivier
Il y a quelque temps de cela, je l’avais fait aussi en 5 jours puis le refaire plus lentement pour en profiter, ce qui m’a donné envie ensuite de créer le site et partager mon expérience sur http://gr20-infos.com/
Est ce que tu serais partant pour une petite interview écrite sur le blog si je t’envoie quelques questions ?
Merci et bon run !
Hello, merci pour ton retour et le partage de ton site. Yes bien sûr pour l’interview. Fais moi signe !