Aujourd’hui, je vais vous parler d’une de mes autres passions : l’apnée. J’ose en faire un article à part entière sur ce blog de trail running car je pense qu’il y a de vraies similitudes entre apnée et ultra-trail. La pratique des deux sports en parallèle peut être très bénéfique à différents points de vu. Je vous en dis plus.
Qu’est ce que l’apnée
Quand on parle d’apnée, tout le monde pense au film du Grand Bleu avec ses descentes dans les profondeurs, ses dauphins et surtout ses drames. Si ce film donne une première belle vision de la discipline, elle n’est pas complète. De plus, dans une pratique au quotidien et à condition de respecter les règles élémentaires de sécurité, le danger reste limité.
Il faut tout d’abord séparer les principales disciplines de l’apnée. Si toutes se déroulent dans l’eau, certaines peuvent se pratiquer en piscine et d’autres en milieu naturel (bien souvent en mer). Au final, on va vite s’apercevoir que la question que tout le monde me pose quand je dis que je fais de l’apnée : « tu tiens combien de temps ? » est trop restrictive. En effet, lorsque l’on fait des efforts pour nager ou pour descendre en profondeur, les temps d’apnée sont bien plus faibles que lorsque l’on reste immobile. Mais cela a peu d’importance car l’objectif est différent.
On peut distinguer 3 grandes disciplines d’apnée :
L’apnée statique. C’est dans cette discipline que les temps sans respirer peuvent être les plus importants. La relaxation est primordiale pour réussir à se détendre à la surface d’une piscine. Immobile, le seul but est de retenir le plus longtemps sa respiration.
L’apnée dynamique. Cette discipline consiste à nager horizontalement sous l’eau. Que ce soit avec palmes ou sans palmes, le but est généralement de réaliser la plus grande distance sans respirer. En complément de la relaxation, une bonne technique de nage est nécessaire pour s’économiser dans ses mouvements et ainsi consommer le moins possible d’oxygène.
L’apnée verticale. C’est l’apnée du Grand Bleu. Cette discipline consiste à descendre le plus profond possible en mer. Plusieurs variantes existent : le poids constant où la descente et la remontée s’effectue en nageant, avec ou sans palmes, l’immersion libre où il est possible de se déhaler le long d’un bout et le poids variable où l’on utilise généralement une gueuse qui nous entraîne au fond et nous permet de remonter en gonflant un ballon. Cette discipline requiert les aptitudes des deux précédentes en plus d’une plus grosse gestion du stress et d’une capacité à compenser la pression. Peut être la plus dangereuse des disciplines mais aussi la plus belle pour moi !
En France, de plus en plus de structures proposent la pratique de l’apnée en mer ou en piscine. Dans le cadre associatif, il est possible de s’inscrire dans un club affilié à la Fédération Française d’Études et de Sports Sous-Marins (FFESSM). Il est indispensable de ne pas pratiquer l’apnée seul pour des raisons de sécurité. Et découvrir ce sport au sein d’une structure permettra d’aller plus loin dans la technique, la réaction du corps et les phénomènes physiologiques.
Similitudes et apports de l’apnée dans la pratique du trail
L’apnée et le trail peuvent paraître deux sports complètement différents. L’un est un sport d’immersion nécessitant des efforts minimes sur des temps plutôt courts, alors que l’autre est un sport d’endurance se déroulant sur terre.
Il existe cependant des similitudes entre ces deux sports. Et je pense même que la pratique de l’apnée peut apporter beaucoup en ultra-trail.
- La gestion optimale de l’oxygène par le corps. L’apnée est un sport nécessitant d’habituer son corps à optimiser sa consommation d’oxygène. En effet, c’est cette molécule qui lorsqu’elle vient à manquer provoque la syncope chez l’apnéiste : les organes ne sont plus alimentés et l’organisme se protège. Dans les disciplines d’apnée dynamique et verticale, où il est nécessaire de nager pour avancer, travailler à réduire la consommation d’oxygène par ses muscles est primordial. Cette capacité est ensuite directement utile en ultra-trail, sport d’endurance extrême, où il est essentiel de ne pas être limité par son souffle. Si tel est le cas, cela signifie que l’on est sur le point de limiter la filière aérobique par un manque d’apport d’oxygène. Il faudra alors ralentir pour ne pas risquer d’entrer dans la filière anaérobique, impossible à maintenir dans la durée.
- Le travail du mental. En apnée, et ce quelque soit la discipline, le mental est très important. Il est nécessaire de rentrer dans sa bulle et de devenir imperméable à tous les facteurs extérieurs. Seul cet état permettra d’optimiser son apnée. On retrouve la même chose en ultra-trail lorsque la fatigue se fait sentir et que le passage est difficile. Il est alors essentiel de se mettre dans sa bulle pour continuer à avancer sans penser à la fatigue ou à quelconque douleur que l’on peut ressentir. Ainsi, cette capacité à faire abstraction des petits détails et à faire le vide dans sa tête permet d’aller plus loin en apnée comme en trail.
- La nécessité de repousser les limites. En apnée comme en ultra-trail, la peur de découvrir ses limites en franchissant une distance où l’on n’est jamais allé peut s’installer. Une descente au fond du grand bleu, vers une profondeur inconnue peut amener angoisse et frisson. Et une fois en bas, il faudra bien remonter. Mais il faut se nourrir de cette peur pour aller au-delà des limites que l’on se connaît. En ultra-trail, c’est un peu la même chose. Se lancer dans une course dont on ne maîtrise pas la distance ou le temps nécessaire pour aller au bout est effrayant. Et pourtant tous les coureurs sur la ligne de départ attendent de cette crainte qu’elle les pousse à dépasser leurs limites.
Un week-end apnée au Frioul
L’apnée verticale en mer est pour moi la plus belle discipline de l’apnée. Sans pouvoir la pratiquer souvent, c’est toujours un énorme plaisir de pouvoir côtoyer le grand bleu. J’ai eu la chance de passer 2 jours sur l’île du Frioul en juin dernier pour titiller les profondeurs.
30s que je suis immergé. Je coule vers les profondeurs. La luminosité baisse, l’eau se refroidit et je ressens l’immensité de la mer. La pression grandissante me comprime les poumons et commence à provoquer une sensation de mal être. Il faut pourtant se détendre pour réussir à relâcher mon diaphragme, condition indispensable pour passer mes oreilles et ne pas être contraint à m’arrêter. Il est important de faire le vide et oublier toute l’eau qui se trouve au dessus de ma tête. Le chemin de retour devra être parcouru dans son intégralité, il n’y aura pas d’autre choix. 45s, il est maintenant temps de faire demi-tour, pour cette fois-ci. La partie la plus dure du chemin est devant moi. Il faut se remettre à palmer pour remonter. Surtout, pas un regard vers le haut. Je reste dans ma bulle et avance comme un automate. Ça y est, l’apnéiste de sécurité me rejoint. Je vois son regard apaisant. Je ne suis plus très loin de la surface et pourtant je me trouve dans la zone la plus dangereuse. Le risque de syncope est à son maximum, et pourtant je n’y peux plus rien. Si elle arrive, c’est plus tôt que j’ai commis une erreur. Celle de ne pas avoir bien préparé mon apnée, d’avoir voulu aller trop profond ou encore d’avoir consommé trop d’énergie sur le chemin. Je crève la surface au bout d’1 min 40s. J’inspire fortement et sens l’air frais remplir à nouveau mes poumons. Mais ce n’est pas fini. Il faudra encore quelques secondes pour s’assurer que l’oxygène arrive bien dans mon sang puis dans mes organes pour que son taux remonte. Seulement à ce moment là, je peux me permettre le signe OK signalant que mon apnée s’est bien passée. Je viens d’en finir avec ma courte exploration des profondeurs, et surtout de mon être intérieur.
Passer deux jours sur l’île du Frioul, en face de Marseille, à pratiquer l’apnée est une vraie parenthèse de vie. Au petit matin, un petit footing pour les uns, un peu de yoga pour les autres, de quoi bien réveiller le corps avant d’embarquer sur le bateau. Puis, direction une crique isolée du vent et c’est parti pour l’installation des ateliers, permettant d’assurer la sécurité pendant les descentes. Et puis, c’est parti pour plus de 2h dans l’eau, pour explorer le fond, explorer ses limites et surtout se sentir vivant !
Vous l’aurez compris, l’apnée est pour moi une grande passion, qui m’apporte beaucoup. Et, je suis aussi convaincu que la pratique de l’apnée a beaucoup à apporter pour un coureur d’ultra-trail.
Contrairement à la course à pied que je pratique généralement en solitaire, je suis licencié pour l’apnée (et la plongée) à la FFESSM. J’ai le niveau « expert en eau libre » (anciennement A4). Je suis également initiateur entraîneur de 2e niveau. Et je compte bien continuer à passer d’autres niveaux de formateur pour aller plus loin dans la transmission de cette belle passion.
Pour mettre des images sur cette description, voici une courte vidéo que j’avais réalisée il y a quelques années. J’ai piqué la musique d’une magnifique vidéo de l’apnéiste Guillaume Nery qui est pour moi un exemple pour diffuser l’esprit et la beauté de l’apnée.
4 Commentaires
Salut, je me lance dans cette idée d’augmenter mes perfs trails via l’apnée. Tu as mesuré des évolutions de performances ?
Merci
Difficile à dire dans mon cas, car j’ai toujours fait les deux en parallèle. Alors est-ce que niveau psychologique, l’un m’a fait du bien pour l’autre, est-ce que niveau physique pareil, difficile à dire. Mais je pense clairement qu’au niveau souffle, rythme cardiaque, et possibilité de se mettre dans sa bulle, chacune des deux disciplines me fait progresser et m’est bénéfique pour l’autre. Preneur de ton ressenti au bout de quelques temps, lorsque tu auras commencé l’apnée !
Merci pour cet article qui explique bien la complémentarité entre apnée et trail
Heureux de voir que cette complémentarité parle à d’autres que moi 🙂