Trail et sport-business : une bien triste direction

Alors que l’UTMB va démarrer, après avoir annoncé il y a quelque temps la création de son nouveau circuit, l’UTMB World Series, le monde du trail tremble de voir son univers aspirer vers le sport-business. C’est tout l’esprit de notre sport qui risque d’y perdre son âme. Soyons vigilant, et n’oublions pas que notre passion est avant tout lié à l’amour de passer du temps dans la nature !

L’esprit trail

Dans notre sport, on parle souvent de l’esprit trail. Le partage et la joie de passer du temps dans la nature sont souvent privilégiés à l’esprit compétition. Elites et traileurs amateurs se mélangent. Les vainqueurs arrivent souvent main dans la main s’ils n’ont pu se départager en couse. Bien sûr, nous aimons nous retrouver sur des courses pour l’émulation qui nous amène à nous surpasser. Mais nous sommes aussi heureux lors de nos sorties longues en montagne à courir seul ou en petit groupe dans des paysages magnifiques. Et le défi d’un off sera autant voir plus valorisant que terminer une course mondialement connue.

A l’extrême, on peut noter l’esprit de l’utra-runner américain. Minimaliste, les trailers outre-Atlantique voient dans leur pratique sportive une communion avec la nature et les grands espaces. Que l’on parle de Scott Jurek ou d’Anton Krupicka, des personnages qui vivent leur passion de façon finalement assez différentes des coureurs européens. Un short, une vieille paire de basket et une mini gourde d’eau suffit à leur bonheur en pleine nature. Et pourtant coté marketing et sport-business, ils s’y connaissent nos amis américains.

En Italie lors de l’UTMB 2015

L’arrivée du sport-business dans le trail

On peut dire que le sport-business a d’abord frappé la course à pied. Il y a quelques années, on courrait avec un vieux T-Shirt en coton et il n’y avait pas des dizaines de modèles de chaussures de course. Les villages de retrait de dossard, même sur le marathon de Paris, avaient pour public les initiés, avec plus de distribution de flyers de courses locales que de stand géant de marque.

Aujourd’hui, on ne fait plus un footing mais un run. Les marques créent leur propre groupe d’entrainement pour toucher de nouveaux publics. Le coût d’un dossard à une grosse course devient un réel budget. Les influenceurs Instagram font des conférences sur les salons des courses. Les marques ont compris que la course à pied pouvait rapporter gros. Le running est devenu sport-business. Il n’en reste pas moins que courir le marathon de Paris reste une expérience fabuleuse. Mais on a de plus en plus l’impression que la course n’appartient plus aux coureurs.

Cette même tendance guète le trail. De véritables salons avec des dizaines de marques se créent autour des courses. La consommation est de plus en plus importante. Entre sacs, T-Shirt, lampe, veste, les marques ont compris que le trail running nécessitait dans tous les cas plus de matériel. Alors certes, les avancées technologiques sont appréciables et il faut savoir en profiter. Mais gardons en tête de consommer durable, intelligemment et dans le respect de l’environnement.

Il y a encore quelques années, les gagnants des trails même les plus renommés ne repartait avec rien de plus qu’une médaille finisher ou une polaire. Aujourd’hui, les primes aux vainqueurs se multiplient. On ne peut malheureusement pas être contre cela car la beauté du sport doit aussi passer par la récompense des prouesses de plus grands sportifs qui s’engagent dans leur passion. Mais la beauté d’un sport marginal, de passionnés et complètement amateur s’éloigne.

L’UTMB, aspiré vers le sport-business et l’argent

L’UTMB reste et restera pour moi une course magique que j’ai eu la chance de courir en 2015. Une aventure hors du commun, un partage incroyable autour d’une même passion nécessitant le dépassement de soi. Un évènement organisé sur un lieu magique et chargé d’histoire pour les amoureux de la nature et de la montagne. Mais les annonces de ces derniers mois m’ont réellement attristé au point d’en parler ici.

L’UTMB, que l’on savait déjà avoir pris le virage du sport-business sous couvert de la volonté de développer la pratique du trail, a récemment franchis une étape supplémentaire. Appuyé par une communication fracassante, l’UTMB groupe annonçait son partenariat avec Ironman group pour lancer dès 2022 son nouveau circuit. Les courses historiques se déroulant fin à aout à Chamonix deviendront des finales du circuit. Et pour s’y qualifier, seul être finisher des courses UTMB World Series Majors et UTMB World Series Events comptera. Un niveau supplémentaire, l’UTMB World Series Qualifiers, permettra uniquement d’obtenir des facilités d’inscription aux courses de l’UTMB World Series Events.

Ces trails, sous prétexte d’assurer les mêmes standards que l’Ultra Trail du Mont Blanc, devront se ranger sous la bannière UTMB. Autrement dit, elles devront appartenir au groupe UTMB ou Ironman. Un circuit fermé, permettant de transformer la notoriété de l’Ultra Trail du Mont Blanc, en machine à cash à travers le monde. Les propriétaires de l’UTMB s’assurent donc une ruée vers leurs courses. Espérons alors au moins qu’elles soient toutes des aventures humaines fantastiques dans des lieux incroyables. Sinon, la magie du trail y perdra vraiment beaucoup.

Arrivée à l’UTMB 2015

 
Au final, certains pourraient être tentés de dire qu’un véritable trailer peut se passer de toutes ses belles courses, regroupant des milliers de personnes et générant parfois beaucoup d’argent. Mais les courses mythiques font également la beauté de ce sport, et permettent d’écrire de belles lignes. Alors espérons surtout que les organisateurs trouvent le bon compromis pour ne pas céder à la tentation du toujours plus d’argent quitte à dénaturer les évènements. L’esprit trail doit perturber !