Un volcan posé au milieu de l’océan. L’île la Réunion est le théâtre chaque année d’une course aussi hors norme que le sont ses paysages. Une diagonale à traverser, du sud vers le nord. Des cirques à franchir pour rejoindre Saint-Denis après 165km et presque 10 000m de dénivelé positif. La Diagonale des fous est un défi à couper le souffle. Un Grand Raid qui demande souvent d’aller au bout de soi même. Des heures de doutes, de joie, de peur face à ses propres limites. Et à la fin, un seul triomphe, celui de franchir la ligne d’arrivée. Un rêve à en perdre la raison. Je vous en partage le récit.

Le relief de l’île de la Réunion
Un rêve approche
Jeudi 18 octobre, 21h55 à Saint-Pierre. Dans 5 minutes, je me lancerai dans l’aventure sportive la plus folle de ma vie. Traverser l’île de la Réunion et ses cirques. Parcourir 165km et quasiment 10 000m de dénivelé positif pour rejoindre le stade de la Redoute à Saint-Denis. Je me sens prêt, plus prêt que pour l’UTMB. Je me sens à la hauteur du défi qui m’attend. L’immense stress que j’ai connu ces derniers jours s’est évaporé en rejoignant le départ. Bien sûr, je pense fort à tous mes proches, à ma famille qui va me suivre intensément de loin, mais surtout à Isabelle, ma fiancée, qui est là sur le bord de la route et qui elle, je sais, est terrorisée pour moi. Mais dans ma tête, je suis déjà sur les sentiers. J’ai hâte de découvrir toute la beauté que cette Diagonale des fous a à proposer.

Encore le sourire avant le départ de la Diagonale des fous
Une fête incroyable
22h10, ça y est, l’aventure est lancée. Cela fait 2km que je cours sur les bords de mer. Et c’est une véritable fête que je découvre. Plusieurs dizaines de milliers de personnes sont là pour célébrer leurs fous. Un feu d’artifice illumine le ciel. L’ambiance est incroyable. Oui mais voilà, on a une diagonale à traverser. Je suis donc lancé à plus de 12km/h pour être bien placé à l’approche des premiers sentiers étroits. Ceux-ci arrivent environ 1h30 après le départ et sont source chaque année de nombreux bouchons. Je partage ce départ avec deux compagnons, Robin et Paul, dont le premier, une connaissance originaire de la Réunion, en est à sa 4e Diagonale des Fous. Je ne pense pas faire tout le Grand Raid avec eux et suivre leur plan de course ambitieux. Mais pour l’instant, je profite des conseils et de l’expérience de Robin.

Départ des fous de la Diagonale
Les premières sensations au milieu de la nuit
40km, et environ 2000m à grimper. On rentre dans le bain. Une ambiance digne du tour de France à chaque portion de route traversée. Et sinon, les premiers sentiers, les premiers cailloux de cette Diagonale des fous. Nous sommes partis vite, mais les jambes ont l’air d’être là. Je suis bien dans ma course. Si Robin ne me l’avait pas dit, je ne me serais pas aperçu que nous longeons le second rempart du volcan. Au loin sur ma droite, le Piton de la Fournaise est en train de relâcher sa lave. Une petite éruption qui a commencé il y a quelques semaines et qui se poursuit légèrement comme pour participer à cette fête qu’est le Grand Raid.

Première nuit du Grand Raid
La beauté du petit matin
Enfin les premières lueurs du matin. Nous sommes sur la plaine des cafres. En face de nous se dresse le majestueux Piton des neiges. Une petite montée sur le coteau de Kervegen et ce sera la plongée dans le cirque de Cilaos. La Diagonale des fous commence réellement. Je suis encore avec Paul et Robin. Sur certaines sections de marche rapide, ils vont plus vite que moi mais je les rattrape sur des portions plus techniques. J’ai maintenant hâte d’attaquer la traversée des cirques.

Vers le coteau de Kervegen
Un soutien si important
J’arrive à Cilaos un peu avant 9h30. En avance par rapport aux indications données à Isabelle. J’ai un grand sourire au visage. Je suis tellement impatient de la retrouver. Le trinôme formé depuis le début de course a commencé à s’éclater. Paul ne suivait plus dans la montée du coteau de Kervegen. Et ma belle descente sur le sentier hyper technique menant à Cilaos m’a détaché un peu de Robin. Je vois enfin Isabelle et la prend dans mes bras. Je profite au maximum d’elle pendant cette grosse pause. Malheureusement, au moment de repartir, je ne me sens pas trop en forme. Aurais-je trop forcé sur la première partie de cette Diagonale des fous ? Vais-je me retrouver dans la même situation que sur la Maxi-Race, en pleine déperdition après la pause de la mi-course ? Le doute s’installe…

Arrivée dans le cirque de Cilaos
La naissance d’un lien
Le début de la montée du Taïbit est terrible. Ce col doit nous permettre de rejoindre Mafate. De plonger dans ce cirque totalement isolé. Mes jambes ne sont pas là et il fait si chaud. Et là, alors que je connais une passe difficile, je reconnais une voie derrière moi. Robin est en train de me rattraper. Je lui dit de passer et lui souhaite bonne chance car moi je n’ai plus trop de jambe pour le moment. « Non, ne lâche pas, emboite moi le pas ». Avec ces simples mots, il vient de sceller un lien qui ne se déferra plus. Nous finirons la course ensemble. Merci énormément Robin. C’est à ce moment précis que tu as permis à ma course d’être si réussie. Et surtout, tu as créé entre nous une relation qui restera si particulière.

Traversée des cirques
Mafate, rêve ou enfer
Je devais à peine profiter de Mafate de jour. Cela pouvait être mon enfer. La partie la plus dure de la course, à réaliser quasi entièrement de nuit. Oui mais voilà, avec Robin, j’avance plus vite que ce que je pensais. Physiquement, nous en sommes au même niveau. Nous sommes en forme. Cela nous permet de courir bien plus qu’espéré, même dans les passages techniques. J’ai donc la chance de profiter de ce magnifique cirque. Je découvre ses îlets, ses sentiers, ses points de vu. J’avance en même temps que le soleil dans ce lieu isolé, coupé du monde, où la seule porte de sortie sera pour nous le terrible Maïdo !

Montée vers le col des boeufs

Sentier scout dans Mafate
Le Maïdo, une épreuve terrible
Mafate de jour c’est fantastique. Mafate de nuit, c’est terrifiant. A l’approche de la tombée de cette deuxième nuit, je sais l’épreuve si grande. Affronter la plus grosse difficulté de la Diagonale des fous au moment où le sommeil se fera le plus ressentir. Le Maïdo c’est la porte de sortie de Mafate. Mais c’est aussi une muraille verticale de presque 2000m de haut. Grimper là haut est une épreuve terrible.
Dans la première partie de l’ascension, avant d’arriver à Roche Plate, le sommeil m’envahit. Je suis comme un zombi dans les pas de Robin. Mais il faut continuer. Mettre un pas devant l’autre et attendre que cela passe. Et puis dans la seconde partie du mur, après un court repos à Roche Plate, le sommeil passe. L’ascension reste très difficile. Une succession de marches, de gros rochers dans un sentier hyper raid. La nuit cache l’immensité de la muraille à franchir. Seules les frontales au loin nous donne un aperçu de ce qu’il reste à grimper. Et puis, à 1h30 du matin, des acclamations au loin se font entendre. Ça y est nous sommes en haut. Et des courageux sont là pour nous encourager au milieu de la nuit. Qu’est ce que cela fait du bien. Nous sommes sortis de Mafate. L’arrivée se profile devant nous !

Sentier du Maïdo

Le Maïdo au dessus de Roche-Plate
La force de nos proches
En cette journée du samedi, les plus grosses difficultés sont derrière nous. Mais la fatigue est là. Alors pouvoir régulièrement voir nos proches tout au long de la journée est une vraie source de soutien. Cela commence à Sans-Soucis, à 4h du matin alors que j’avais dit à Isabelle qu’elle pourrait dormir vu l’heure à laquelle je pensais arriver. Un vrai regain d’énergie pour attaquer cette dernière journée de course. Nous passons les dernières difficultés de ce Grand Raid les unes après les autres. Nous avançons moins vite que d’autres mais toujours régulièrement. Le binôme avec Robin fonctionne parfaitement. La chaleur sur le chemin des anglais me fait souffrir mais je peux compter sur le support d’Isabelle aux ravitaillements pour me redonner l’énergie nécessaire. Nous sommes maintenant au pied de la derrière difficulté, le Colorado. Une montée et une descente et j’en aurais fini de cette Diagonale des fous !

Chemin des anglais
L’achèvement d’un rêve
Il est 16h samedi. Nous venons d’en finir avec la dernière descente. Le stade de la Redoute est là. Et surtout, au bout de cette ligne droite, je vois Isabelle. J’ai les larmes aux yeux. Je suis en train de finir ce Grand Raid. Je suis au bout de cette diagonale qui me faisait tant rêver. Je la prends dans mes bras, et je rentre dans le stade en courant avec elle. Je me sens en pleine forme en cette fin de course. Je m’étais imaginé 1000 fois cette arrivée. Mais c’est encore plus beau en vrai. Robin arrive un peu derrière avec ses enfants. Nous avons terminé cette aventure d’une si belle façon. Ça y est, je suis un fou, parmi les fous…

Finisher de la Diagonale des fous
42h d’effort, 42h de dépassement de soi, mais surtout 42h de joie et de découverte de la Réunion. Une aventure tellement forte. Une véritable fête pour tous les réunionnais. Et pour moi une course presque parfaite. Un trail où je ne me suis quasiment jamais senti en difficulté. Bien sûr, il y a eu des passages extrêmement durs, une fatigue immense, des moments de moins bien, des jambes qui font mal. Mais rien qui ne m’a fait douté. Je garderai des images à vie de cette Diagonale des fous. Et un lien particulier avec Robin, mon compagnon de course. Mais surtout, merci Isabelle d’avoir été là. De m’avoir soutenu, de t’être fait du soucis pour moi, et surtout d’avoir été un de mes principaux moteurs tout au long de ces sentiers !
Et pour en découvrir un peu plus sur cette aventure, n’hésitez pas à aller visionner ma courte vidéo ici.
4 Commentaires
Incroyable et félicitations pour nous faire partager votre rêve. Force dans les jambes et surtout dans la tête je pense. En tout cas 42 heures sans dormir et avec ce dénivelé encore félicitations. Les parents sont aussi des inconditionnels de l’effort solitaire je crois. Un bonjour à tous.
Merci beaucoup ! Un tel effort est effectivement bcp dans la tête. A un certain moment de la course, ça devient le vrai moteur !
J’en ai aussi les larmes aux yeux d’émotion et de fierté après cette lecture. Merci de nous le faire partager !
Ça me fait très plaisir de partager cette si belle aventure 🙂